LCBO À bon verre, bonne table Début de l'été 2016

ESSENTIELS  PARLONS TOFU

   Plus qu’un simple aliment, le tofu en est venu à incarner la culture japonaise. La fabrica- tion du tofu était une industrie artisanale; des familles entières se levaient aumilieu de la nuit pour s’assurer d’avoir du tofu frais à vendre dès le lever du jour. À l’instar de nombreuses tradi- tions japonaises, la fabrication du tofu avait une dimension spirituelle; elle était une pratique de pleine conscience, un moyen de consacrer tout son être à la confection d’un produit à la fois simple et merveilleux. La formation des apprentis durait huit ans.    Presque tout ce côté artisanal a été perdu au cours des cinquante dernières années. Les grandes usines, où la durée de la formation se compte en semaines et non en années, ont remplacé la plupart des 50 000 entreprises familiales d’autrefois. Malgré tout, le tofu est plus populaire que jamais. Le hiyayakko est un plat à base de tofu frais servi avec de la sauce soja, des oignons verts

et du gingembre râpé. Par temps chaud, il est servi sur glace. Le tofu dengaku est rôti sur des brochettes en bambou, badigeonné de miso as- saisonné et rôti de nouveau. Et le yuba est la peau qui se forme à la surface du lait de soja chaud. Il est séché, puis utilisé pour envelopper divers aliments, mais il est également délicieux tel quel, directement pris dans la casserole de lait chaud.    Pendant plusieurs siècles, les Européens ont documenté leur expérience avec le tofu. Éton- namment peut-être, leurs impressions étaient généralement positives. Ainsi, en 1665, un mis- sionnaire italien (qui avait pris les fèves soja pour des haricots) écrivait ceci : « Le teu fu, c’est-à-dire la pâte de haricots, est habituelle- ment assaisonné de fines herbes, de poisson et d’autres aliments. Seul, il est fade, mais as- saisonné comme je le dis, il est très bon, et il est excellent frit dans du beurre. Ils l’utilisent également séché et fumé, et rehaussé de graines de carvi; il est ainsi à son plus délicieux. »

   De tels témoignages, plusieurs prédisant que le tofu serait le prochain phénomène en Europe ou en Amérique, ont été entendus à in- tervalles réguliers jusqu’au XX e siècle. La réalité fut tout autre, même si à la fin du XIX e siècle, on pouvait trouver du tofu dans toute ville comptant une importante communauté chi- LES TOFUS de texture ferme ou extraferme sont généralement ceux qui sont utilisés pour la cuisson, car ils peuvent être coupés en tranches ou en cubes, et ils peuvent facilement être frits ou grillés. noise. L’intérêt pour le tofu a brièvement aug- menté pendant les pénuries de viande de la Première Guerre mondiale, mais s’est rapide- ment estompé par la suite. Dans les années 1930 et 1940, aux États-Unis, les adventistes du septième jour, qui prônaient un régime sain et sans viande, sont devenus les premiers Oc- cidentaux à fabriquer du tofu, lequel était vendu en conserve sous diverses marques, dont Cheze- O-Soy, Soynut Cheese et Vege-Cheese. Aucune de ces marques n’a été un succès.    À la fin des années 1970, toutefois, les con- ditions étaient enfin réunies. C’est l’époque où le tofu est devenu un aliment fétiche pour les mouvements de retour à la terre, de con- science écologique et de végétarisme. Les mé- dias grand public ont embarqué dans le jeu. Le tofu représentait « une idée dont le temps est venu », selon le Boston Globe . « L’Occident s’éveille aux merveilles du tofu », titrait le New York Times . Le tofu était présenté comme une façon efficace et peu coûteuse de nourrir la planète. Les célébrités se bousculaient pour en faire la promotion.    Le tofu est réellement bon pour la santé. Il est l’un des rares aliments d’origine végétale à contenir les neuf acides aminés essentiels. Il est riche en protéines, ne contient pas de cho- lestérol et est faible en gras. Des questions ont

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