LCBO À bon verre, bonne table Début de l'été 2016
ESSENTIELS PARLONS TOFU
T echniquement, le tofu est du caillé de soja. Ce n’est peut-être pas très appétissant, mais ça l’est quandmême plus que le mot chinois dofu , qui signifie « fèves pourries ». La fève en question, c’est la fève soja, une légumineuse au même titre que les pois, la luzerne, le trèfle et les lentilles. La culture de la fève soja est devenue la plus importante culture de pro- téines et de graines oléagineuses au monde. Nous consommons le soja sous forme d’huile et de margarine, de germes, de fa- rine, de lait, de sauce, de miso
trempées, moulues en une pâte fine, puis diluées pour faire du lait de soja. Le lait est chauffé, puis on lui ajoute un coagulant pour le faire cailler. Le caillé est déposé dans des boîtes à tofu et pressé pour en égoutter l’excédent de petit-lait. Les Chinois n’ont peut-être jamais élevé de vaches laitières, mais le tofu est
fait rajeunir Liu An, lui ait donné des ailes et l’ait fait s’envoler au ciel. En fait, les grandes similitudes avec la fabrication du fromage lais- sent croire que les Chinois se sont inspirés de voisins producteurs de lait, probablement des In- diens ou desMongols. Le tofu est tellement facile à fabriquer qu’il pourrait très bien avoir été découvert
fabriqué, à peu de choses près, de la même manière que le fromage, ce qui pourrait
accidentellement, alors que du sel de mer impur – con- tenant du sel de calcium et du sel de magnésium agissant comme coagulants – aurait été mélangé à de la
et aussi, mais dans une moindre mesure, de tofu. Statistique Canada es- time que le ménage
canadien moyen a dépensé 7 $ pour du tofu en 2013.
farine de soja bouillie. Il aura fallu attendre envi-
Toutefois, les produits du soja que nous consom- mons directement ne sont que la pointe de l’iceberg. La plus grande part de la culture mondiale du soja sert à nourrir les poules,
ron un millénaire avant que le tofu s’impose enChine, d’abord comme ingrédient de base dans les régions pauvres. À l’époque de la dynastie Ming (de 1368 à 1644), même l’empereur l’appréciait. Toutefois, avant l’arrivée des tech- niques de réfrigération, le tofu frais était surtout un plaisir hivernal, car il se gâtait rapidement à la chaleur. Le tofu a été importé au Japon par lesmoines bouddhistes qui, en tant que végétariens, l’ont rapidement adopté comme source de protéines polyvalente. C’est au XIII e siècle qu’a été créée et popularisée la cuisine à base de tofu. On la servait dans les restaurants végétariens qui s’installaient à l’intérieur des murs des temples zen du Japon, et les maîtres de thé incorporaient le tofu dans les plats accompagnant la cérémonie du thé. Au Japon, le tofu était raffiné – il est devenu plus mou, plus blanc et plus délicat – et prenait une panoplie de nouvelles formes : tofu lyophilisé, pochettes de tofu frit et tofu soyeux, notamment. Aujourd’hui, dans les grands restaurants japonais de cuisine kaiseki , les plats de tofu peuvent composer plus de la moitié du menu.
les vaches et les cochons qui nous donnent de la viande, des œufs et des produits laitiers. La croissance de la classe moyenne après la Seconde Guerre mondiale, d’abord en Occident, maintenant en Asie, a fait exploser la demande pour la viande, et, par conséquent, pour le soja. Depuis 1950, la production mondiale de soja a été multipliée par 14. Au Canada, où le soja représente une industrie de 2 milliards de dollars dominée par l’Ontario, elle a été multipliée par 65. Au Brésil, de grandes étendues de la forêt amazonienne ont été rasées pour favoriser la culture du soja, mais cela découle de la demande pour les produits de la viande et non pour le tofu. Les amateurs de tofu font partie de la solution, pas du problème. Faire du tofu n’est pas compliqué. Des fèves soja jaunes séchées (avant maturité, les fèves sont vertes et on les sert dans les restau- rants japonais sous le nom d’ edamames ) sont
expliquer pourquoi le soja a été surnommé « la vache de Chine ».
Le tofu a été fabriqué pour la première fois en Chine il y a de cela 2 000 ans, mais un réel mystère plane sur l’identité de son créateur. La légende populaire veut que ce soit le seigneur Liu
NOUS CONSOMMONS le soja sous forme d’huile et de margarine, de germes, de farine, de lait, de sauce, de miso et aussi, mais dans une moindre mesure, de tofu.
An, un prince de la dynastieHan. Il est cependant peu probable que cette histoire soit véridique – du moins la partie racontant que le tofu ait
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