LCBO À Bon Verre, Bonne Table Été 2018
LES DOUX PLAISIRS PAR DOMINIQUE DENIS
Question de vous créer une bande-son estivale, notre chroniqueur a sillonné d’un océan à l’autre les routes de la chanson franco-canadienne, faisant escale ici et là pour y débusquer ces quelques perles.
À près que son premier disque, L’homme qui me ressemble , a imposé une plume et une voix instantanément reconnaissables sur la scène franco-canadienne, Damien Robitaille n’a cessé de se réinventer, devenant tour à tour chanteur soul et crooner latin. Après un hiatus de cinq ans consacré aux tournées et à la famille, l’auteur-compositeur de Lafontaine rappliquait en 2017 avec Univers parallèles , un album qui semble moins préoccupé par les exercices de style, mais qui témoigne de la même capacité à voir – et à dire – les choses autrement, comme en attestent des petites perles comme SOS et Ta biographie . Difficile de déterminer ce qui a davantage forgé l’identité artistique d’Ariane Mahrÿke Lemire : son enfance passée entre l’Alberta et la Sas- katchewan, l’influence du milieu familial (un papa guitariste, une ma- man comédienne), ou le travail d’écriture réalisé auprès d’orfèvres comme Luc De Larochellière et Francis Cabrel. Toujours est-il que cette auteure-compositrice témoigne d’une remarquable maturité sur Je deviens le loup , un quatrième album qui puise à parts égales aux sources du folk, du jazz et de la pop, et que la principale intéressée aime- rait qu’on écoute « comme un road movie échafaudé de paysages ver- baux et sonores ». Avec La grande nuit vidéo , son plus récent album, Philippe B était confronté à un sacré défi : répéter le triomphe artistique – et l’état de grâce – de Variations fantômes et Ornithologie, la nuit , ses deux précé- dents opus. Objectif atteint ? Disons que même si le plus saguenéen des auteurs-compositeurs montréalais ne peut plus miser sur l’effet de sur- prise, sa muse est toujours au rendez-vous : une petite merveille d’écri- ture dépouillée comme Debra Winger trouve le moyen de réinventer le genre de la chanson d’amour, tandis qu’ Interurbain révèle les ramifica- tions existentielles d’une banale conversation téléphonique. À une époque où les miracles se font rares, on aurait tort de bouder ceux‑là. Troisième album solo de Yao, auteur-compositeur ottavien d’ori- gine togolaise, Lapsus marque un nouveau jalon dans l’évolution natu- relle de ce jongleur de mots doublé d’une sacrée bête de scène, qui évolue, à l’instar d’Abd Al Malik, au carrefour du rap et du slam, deux genres qu’il agrémente d’une multitude de couleurs et d’épices. Reflé- tant un constant souci d’ouverture vers l’autre (au niveau personnel) et vers les autres (au niveau social), cet album très abouti apporte de l’eau au moulin de ceux qui estiment que le renouveau de la chanson franco- ontarienne passera forcément par le métissage. Après nous avoir intrigués en 2013 avec un EP éponyme pétri d’har- monies vocales dignes de CSN&Y, la formation néo-écossaise Cy rap- pliquait en 2016 avec Deuxième nation , un album cousu main qui re- vendiquait sans complexes une esthétique folk sortie droit de l’âge d’or du folk identitaire, soit-il québécois (Harmonium, Jim et Bertrand) ou acadien (Beausoleil Broussard, 1755). S’il séduit d’emblée par ses
refrains accrocheurs, Deuxième nation offre un plaisir toujours renou- velé à ceux qui exploreront les climats envoûtants et les structures ambitieuses qui rappellent l’époque où l’on prenait le temps d’écouter les albums de bout en bout. Paru il y a quelques mois, le premier album de l’auteure-composi- trice-interprète Sophie Villeneuve, Le chant du hibou nous transporte au Yukon, dont le décor – et la température ! – ont inspiré la plume de cette artiste originaire de La Tuque, qui s’inscrit dans la mouvance folk, mais qui n’hésite pas à puiser son inspiration dans d’autres genres, dont le country et le klezmer. Si certaines chansons (Le pantin ) laissent croire que la lauréate du concours Chant’Ouest a beaucoup écouté les Colocs, d’autres révèlent une écriture et une approche plus personnelles. La preuve que les refrains en français poussent aussi au pays du Klondike !
12 À BON VERRE , BONNE TABLE ÉTÉ 2018
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