LCBO À Bon Verre, Bonne Table Automne 2017

LA CHANSON FRANCO-ONTARIENNE EN QUATRE DÉCENNIES ET DOUZE ALBUMS . LES DOUX PLAISIRS PAR DOMINIQUE DENIS

À l’instar des vins de notre province, dont la réputation internatio- nale n’est plus à faire, les artistes de la chanson franco-ontarienne sont parvenus, au fil des décennies, à s’imposer dans le monde (majori­ tairement québécois ou français) de la chanson. Après une période de reconnaissance ponctuée, dans les années macramé-patchouli, par le succès des groupes Cano et Garolou et de Robert Paquette ( Dépêche-toi soleil , 1974), il y aura la période de Brasse Camarade (énergiques pour- voyeurs de rock pesant) et du regretté Paul Demers, dont l’album épo- nyme paru en 1990 nous a donné Notre place , borne incontournable dans le cheminement identitaire franco-ontarien.     Par la suite, la formation sudburoise En Bref marquera le paysage musical de la fin du XX e siècle avec un superbe album éponyme (1997) qui attirera l’attention des radios québécoises, préparant le terrain pour des groupes résolument festifs comme Deux Saisons et le duo Swing, qui peaufinera sur La vie comme ça (2008) son amalgame techno-trad auprès du public scolaire, tandis que ceux qui sont à la recherche de sonorités plus décapantes se tourneront vers l’album éponyme de Konflit DramatiK (2007).     Réalisant l’exploit d’être simultanément partout et en marge de tout, Stef Paquette (le plus beau barbu de Chelmsford et « cousin de la fesse gauche » du Robert précité) nous emmènera en voyage dans une dizaine de communautés du Nord de l’Ontario avec Le salut de l’arrière- pays (2011), paru quelques années après qu’un OVNI du nomde Damien Robitaille ait fait connaître le village de Lafontaine avec L’homme qui me ressemble (2006), qui imposera notre homme comme le plus doué (avec Philippe Flahaut, criminellement négligé) parmi les auteurs-compositeurs de chez nous.     Ravissante preuve du pouvoir d’attraction du fait français auprès de la majorité anglophone, Andrea Lindsay déboulera sur la scène franco-ontarienne (et raflera le Juno de l’album francophone de l’année) avec Les sentinelles dorment (2009), dont la facture sonore un brin jazzy trouvera écho dans l’œuvre d’Amélie et les Singes bleus, une formation torontoise qui propose un dosage équilibré de chansons originales et de classiques du répertoire francophone, comme en atteste son plus récent album, Entre nous (2016).     Les dernières années ont été aussi marquées par l’émergence d’un contingent d’artistes qui évoluent dans la mouvance slam et hip hop, et dont Yao, avec l’album Lapsus (2016), en est indubitablement le plus

éminent ambassadeur, tandis que l’auteur-compositeur ottavien Mehdi Cayenne impose son large sourire et ses refrains hors-normes sur les scènes du Québec et de France avec l’album Aube (2016).     Un mot, enfin, sur l’émergence du groupe Pandaléon, originaire du village de Saint-Bernardin, et dont l’album Atone (2016) confirme que l’écosystème musical franco-ontarien offre un terreau favorable aux explorations sonores d’un groupe qui ne répond en rien aux exigences des ondes commerciales. Une preuve parmi d’autres du dynamisme – et de la maturité – d’une scène musicale qu’il est désormais impossible de réduire à une chanson « identitaire » et à une petite poignée d’artisans évoluant en marge des grandes capitales de la chanson.

DANS LE SENS HORAIRE À PARTIR DE CI-DESSUS : ANDREA LINDSAY,

LES SENTINELLES DORMENT , GSI MUSIQUE (2009); EN BREF , APCM (1997); STEF PAQUETTE, LE SALUT DE L’ARRIÈRE-PAYS , APCM (2011); MEHDI CAYENNE,

AUBE (2016); PANDALÉON, ATONE , AUDIOGRAM (2016).

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