LCBO À bon verre, bonne table Hiver 2016

LES DOUX PLAISIRS PAR MARIE-JOSÉE MARTIN

L’ HIVER ET SON ENVERS

On gèle, il neige ? Deux options : embrasser l’hiver jusqu’à l’extrême ou le fuir aux antipodes. Le Nunavut, c’est le bout du monde, notre far west . De fait, Panik , le quatrième roman de Geneviève Drolet, est une sorte de western nordique. Il nous catapulte à Igloolik, et là, c’est l’éblouissement. On découvre le hameau à travers les yeux de Dorothée, une adolescente du sud en pleine « quête pour embêter tout le monde ». Elle atterrit chez Mike, dit le Yéti, avec le sentiment d’être « un machin radioactif » que ses parents ont cherché « à enfouir le plus loin possible ». Le réveil sera brutal : « […] le froid était comme une pluie de diamants aux arêtes coupantes qui me lacérait partout partout partout hiboux choux genoux cail- loux. » Geneviève Drolet parvient, par une écriture crue d’où s’efface souvent toute ponctuation, à évoquer l’espace, la beauté et la dureté de ce monde, à faire bourdonner ses vents dans nos oreilles.     Sydney (Australie) se trouve, pour utiliser une formule de Charlebois, « à l’envers de l’hiver ». C’est là que Daniel Dugas a écrit L’Esprit du temps/ The Spirit of the Time , œuvre tantôt grave tantôt ludique qui transmute le pay- sage publicitaire en paysage poétique en mariant images et textes. Son point de

départ : les nuanciers des fabricants de peinture et les noms très fantai- sistes qu’ils donnent à leurs couleurs. Car on ne peint plus nos intérieurs en bleu, vert ou gris, mais en Bambou chanceux, Rêve océanique et Chan- son de la pluie . Que disent ces appel- lations de nous, de l’esprit de notre temps ? Elles sont en somme des « images-miroirs ». Pour le poète bi- lingue, le passage d’une langue à l’autre est aussi une occasion de mul- tiplier les jeux de miroir dans ce livre intrigant, qui offre de multiples ni- veaux de lecture.

LES LIVRES Geneviève Drolet, Panik , Tête Première, 2015, 316 pages, 24,95 $. Daniel Dugas, L’Esprit du temps/The Spirit of the Time , Éditions Prise de parole, 2015, 102 pages, 34,95 $.

Écrivaine, traductrice et réviseure, Marie-Josée Martin vit à Ottawa. Ses publications incluent le roman Un jour, ils entendront mes silences , récompensé par plusieurs prix, et une contribution au collectif d’auteurs Sur les traces de Champlain . D’autres plaisirs vous attendent sur son blogue : www.mariejoseemartin.com.

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