LCBO À bon verre, bonne table Temps des Fêtes 2015

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D emandez à quelqu’un de nommer une pâtisserie des Fêtes et le gâteau aux fruits lui viendra probablement tout de suite aux lèvres – mais rarement en bouche à en juger par la multitude de blagues au sujet de la densité et de la longévité dudit gâteau. Dans Vie et aventures de Martin Chuzzlewit ,

reyes espagnol (« gâteau des Rois ») – font toujours partie intégrante des traditions na- tionales.    Le plum-cake , une version du plum-pudding des années 1800 qui était cuite au four plutôt qu’à la vapeur, est le précurseur du gâteau aux fruits . Il était censé se bonifier en vieillissant. Il était donc préparé longtemps avant les célé- brations (fêtes, mariages, anniversaires, etc.) qu’il agrémentait de sa présence. Pour qu’il ne se gâte pas, il était arrosé d’une généreuse dose de brandy ou de rhum.    EnGrande-Bretagne, le gâteau aux fruits est encore aujourd’hui couvert de massepain (pâte d’amande sucrée) – un autre délice importé en Europe par les croisés revenus duMoyen-Orient. Lemassepain est ensuite couvert de glace royale blanche. En Amérique du Nord, où le gâteau aux fruits n’est généralement pas glacé, nous le décorons à notre façon, souvent avec des ananas, des canneberges ou de la noix de coco. P La mince pie ou mincemeat tart anglaise est une tartelette garnie de fruits séchés (macérés dans du brandy ou du rhum), de pommes, de noix et d’épices. Cette garniture s’appelle en anglais mincemeat , un mot dérivé de minced meat (« hachis de viande »).    Hachis de viande ? Eh oui ! À l’époque médiévale, cette tartelette était, comme le plum- pudding, composée de viande,

   La proportion de viande diminua petit à petit au fil des siècles et finit par disparaître, et le plat vint à s’appeler plum-pudding. La mélasse donne au plum-pudding la riche cou- leur foncée apportée autrefois par le sang. La graisse de bœuf était jusqu’à récemment un ingrédient essentiel du plum-pudding et l’est toujours pour les traditionalistes. Dans sa forme la plus riche,

LE PLUM-PUDDING flambé symbolisait le solstice d’hiver, quand les journées plus longues se font plus lumineuses.

le plum-pudding était réservé aux jours de fête. Il commence à être associé uniquement à Noël à partir du milieu du XVII e siècle et prend alors le nomde Christmas pudding (« pouding de Noël »). En 1657,

Charles Dickens le qualifie de « gâteau maison de formation géologique ». Johnny Carson a dit avec esprit : « Il n’y a pas pire cadeau que le gâteau aux fruits. Il n’y en a qu’un seul dans le monde entier, et les gens ne font que se le refiler. » Jay Leno, en 2003, lors d’une de ses émissions The Tonight Show , avait goûté à un gâteau aux fruits confectionné en 1878. Après en avoir mâché pensivement une bouchée, il a déclaré « qu’il n’était pas encore tout à fait prêt ». (Que cela ne vous empêche pas de vous rendre à la page 131, où nous vous donnons la recette d’un gâteau aux fruits apte à clouer le bec du plus intrépide des humoristes.)    Le gâteau aux fruits est né du plum-pudding , toujours incontournable à Noël dans son pays d’origine, l’Angleterre. Le plum-pudding est une cible mouvante. Il ne cesse d’évoluer depuis sa création, au début des années 1400, quand il était appelé plumpottage , un ragoût de bœuf ou de mouton haché, de sang, de blé concassé, de légumes-racines, de fruits séchés, de noix mou- lues, de miettes de pain et d’épices (notamment le clou de girofle, le macis et le gingembre). À cette époque, il ne contenait pas de plum (« prune ») et n’en contient toujours pas, plum étant un ancien terme anglais désignant les fruits séchés en général.    Les épices et les sucres de fruits dans le plum pottage rehaussaient (ou masquaient ?) le goût de la viande tout en jouant le rôle d’agents de conservation naturels. De coûteux produits importés en Europe par les croisés revenus du Moyen-Orient, ils servaient aussi pour les riches et puissants à faire étalage de leur fortune.

le puritain Oliver Cromwell, autoproclamé « Lord Protecteur de l’Angleterre », interdit par décret les agréments de Noël, dont le Christmas pudding et la mince pie . Son décret est repris dans de nombreuses petites villes puritaines de la Nouvelle-Angleterre. Les festins des Fêtes reprennent quand Charles II monte sur le trône en 1660, mais le décret interdisant le plum- pudding et la mince pie n’est pas abrogé. Ceux- ci seraient donc en principe toujours illégaux.    Le plum-pudding et ses rites prennent leur forme actuelle à l’époque victorienne. Des ba- bioles étaient mises dans la pâte pour prédire l’avenir de ceux qui les trouveraient. Chaque surprise avait sa propre signification : un dé à coudre désignait une vie de vieille fille; une bague annonçait unmariage; une pièce demon- naie prédisait la fortune. Après une cuisson de plusieurs heures à l’étuvée, le plum-pudding était décoré de houx et flambé au rhumou au brandy. Ces coutumes remontent aux origines païennes des festivités : la célébration du solstice d’hiver, quand les journées plus longues se font plus lumineuses (les flammes du plum-pudding flambé), et la promesse du renouveau de la nature (le houx).    Diverses versions du plum-pudding étaient populaires partout en Europe, mais furent remplacées par des desserts moins riches à l’époque de la Renaissance. Ces gâteaux

aux fruits et aux noix – notamment le stollen allemand, le panet- tone italien et le roscon de

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